La relecture historique féministe de la femme esclave dans Aminata de Lawrence Hill et dans Moi, Tituba, sorcière noire de Salem de Maryse Condé

À travers les récits autobiographiques d’anciennes esclaves qui sont enregistrés aux États-Unis dans les années 1930, on découvre la représentation de femmes dynamiques, morales, cherchant la protection de leur communauté, le peuple noir, devant l’oppression des Blancs. Les héroïnes de ces récits montrent une résistance victorieuse au harcèlement sexuel et dégagent une force d’âme et une grande détermination[1]. En ce sens, le roman historique féministe cherche à revaloriser la figure de la femme souvent opprimée par le système patriarcal, et ce, tout en revisitant son Histoire. Dans ce genre associé aux débuts du mouvement féministe, l’héroïne, qui quitte le rôle secondaire, travaille à sa réalisation personnelle, sacrifiant tout pour atteindre son but, pour vivre une existence libre. Son corps devient un élément important de cette quête identitaire : il est exhibé, magnifié et permet d’aborder la sexualité féminine. On perçoit également l’effacement de l’homme dans l’intrigue, ou plutôt un portrait de l’homme dénué de force et d’individualité, souvent un obstacle à l’épanouissement de la femme. De plus, les auteur(e)s présentent davantage la vie quotidienne dans une période donnée que l’action et les grands événements historiques. Pour ne pas être anachronique par rapport à l’idéologie patriarcale de l’Histoire, la femme est souvent présentée physiquement comme un objet, mais elle s’affirme intellectuellement comme sujet[2]. Ainsi peut-on créer une œuvre de fiction qui intègre l’idéologie féministe contemporaine à l’Histoire. Comme l’explique Lori Saint-Martin, écrivaine féministe québécoise, cette réalisation a d’autant plus d’impact lorsqu’il s’agit d’une initiative féminine : « [L]a volonté de témoigner, dans la brisure même du langage, de s’exprimer à tout prix, ne fût-ce que pour raconter son propre anéantissement, [de d]ire sa vie et celle des autres femmes[, est] un projet qui conduit les écrivaines à rechercher leurs sœurs perdues, leur histoire étouffée, leur passé dérobé […] [,] une histoire des femmes, occultée et gommée au profit de l’histoire de l’humanité »[3]. Le rôle de l’auteur de romans historiques féministes devient alors beaucoup plus symbolique. La relecture historique de la femme permet à l’écrivain ou à l’écrivaine d’accompagner à sa façon, à travers son travail, l’évolution du féminisme[4]. Il s’agit justement de ce qu’ont entrepris Lawrence Hill avec Aminata et Maryse Condé avec Moi, Tituba, sorcière noire de Salem en écrivant leur ouvrage respectif sur l’histoire d’une femme esclave.



Aminata de Lawrence Hill
Lawrence Hill, jeune écrivain canadien, connaît un succès international avec son œuvre originellement titrée The Book Of Negroes parue en français en 2010. L’auteur reçoit pour son roman plusieurs prix littéraires, dont le Commonwealth Writer’s Prize, le Rogers Writer’s Trust Fiction Prize, le Canada Reads, ainsi que le titre d’auteur de l’année aux Libris Awards de la Canadian Booksellers Association. Il est bien reçu par la critique, notamment par The New York Times, The Globe and Mail, la Presse et le Devoir. L’histoire débute à Londres au début du XIXe siècle lorsque Aminata Diallo, une femme noire d’origine africaine, entreprend d’écrire l’histoire de sa vie, celle d’une petite fille enlevée dans son village en Afrique et forcée de traverser l’océan pour être vendue comme esclave en Caroline du Sud, dans le but de témoigner contre la pratique de l’esclavage. Moi, Tituba, sorcière noire de Salem de Maryse Condé, roman paru pour sa part en 1988, raconte l’histoire d’une jeune femme noire originaire de la Barbade et réduite, à la suite de son mariage d’amour, à la condition d’esclave, puis accusée de sorcellerie par la petite communauté puritaine de Salem qui effectue à l’époque une série d’arrestations qui mènent à un procès meurtrier. Il s’agit d’une des nombreuses œuvres de Condé, écrivaine francophone originaire de la Guadeloupe. En plus d’être reconnue par la critique pour la trentaine d’ouvrages à son actif, l’auteure reçoit plusieurs honneurs et distinctions. Pour son roman sur Tituba, elle reçoit le Grand Prix littéraire de la Femme, Alain Boucheron, en 1987 et le 50e Grand Prix littéraire des jeunes lecteurs de l’Île-de-France en 1994.



Moi, Tituba, sorcière noire de Salem
de Maryse Condé
Ces deux œuvres font la relecture historique féministe de la femme esclave et de la sorcière. À travers celles-ci, il est possible de reconnaître la valorisation de figures féminines, la recherche d’un passé oublié des femmes ainsi que le militantisme féministe, tous des aspects caractéristiques du roman historique féministe.

Le roman historique féministe
La naissance du roman historique, lors de la Révolution française de 1789, et son évolution sont les conséquences de bouleversements sociaux[5]. Le roman historique est « une œuvre d’imagination qui fait vivre à des héros ou des héroïnes des émotions et des péripéties […][et] qui a recours à l’Histoire »[6]. Il s’agit d’un art qui entrelace à la fois l’imaginaire et le réel, c’est-à-dire le réalisme idéologique contemporain et le réalisme historique. Au XXe siècle, à la suite d’un changement d’idéologie, le roman historique traditionnel, ce genre hybride qui repose sur des périodes troubles de l’Histoire et qui décrit l’esprit du temps par l’entremise de personnages inconnus souvent symboles d’une classe sociale sans moderniser leur psychologie, est remplacé par le nouveau roman historique qui se révèle être davantage la réécriture de l’Histoire et parfois même une version contraire à l’officielle. Ce genre, qui se caractérise entre autres par l’interprétation des événements historiques et par la description de personnages ayant vécu des événements marquants plutôt que par la description directe de ces événements, tente de supprimer la distance historique de façon à ce que le récit se détache du cadre réaliste et, ainsi, faire réfléchir le lecteur à la fois sur le passé et sur le présent, entre autres à travers les idéologies contemporaines[7].

Manifestation du MLF contre la mysoginie le 6 mars 1982 à Paris (lexpress.fr)

Adam and Eve
Peter Paul Rubens, 1597
Huile sur toile 158 x 180 cm
À partir de l’arrivée du féminisme, il est possible de percevoir un nombre grandissant d’auteures[8] et la figure féminine littéraire change. Écrire, pour une femme, devient un acte subversif et revendicateur en soi[9]. Ainsi apparaît-il un nouveau genre littéraire qui respectent les caractéristiques du nouveau roman historique et qui répond à l’idéologie féministe grandissante de l’époque. L’une des démarches féministes consistait à rechercher des symboles et des valeurs propres aux femmes. Dans le monde de la littérature, cette démarche a mené à la revalorisation de figures féminines comme celle de Ève, personnage féminin dans le récit de la Genèse, qui est présentée par le système patriarcal comme une femme faible séduite par le diable, mais qui, dans l’imaginaire féministe, devient plutôt une rebelle et une jouisseuse[10]. La figure de la femme esclave ainsi que celle de la sorcière sont des cas similaires. Ainsi, les écrivain(e)s féministes « célèbrent les traits associés aux femmes et dévalorisés par la culture masculine »[11].

La valorisation de figures féminines
Il est fréquent, également, de remarquer la présence de personnages féminins historiques dans les romans de ce genre auxquels les auteur(e)s ont attribué des pensées et même des gestes fictifs qui correspondent à l’idéologie contemporaine.

Maryse Condé
Maryse Condé utilise d’ailleurs un personnage historique dans son œuvre. Tituba, qui a réellement existé et qui a véritablement vécu le Procès des sorcières de Salem, a un parcours très similaire au personnage du roman de l’auteure guadeloupéenne. Condé s’est en effet inspirée de la vie de cette esclave de la Barbade, dont les spécialistes de l’histoire ont peu parlé, pour écrire son récit. En effet, « [e]n raison de son sexe, de sa race et de sa classe, elle a peu suscité l’attention des historiens et des historiennes »[12]. Il est possible de remarquer la relecture historique de ce personnage non seulement à travers ses idéologies contemporaines, mais également dans la création d’une suite à son histoire, qui, normalement, ne s’étend pas plus loin que le Procès de Salem. La plupart des perceptions et des connaissances par rapport à Tituba qui sont aujourd’hui acceptées comme des faits sont en fait davantage basées sur la littérature de fiction et celle de la tradition locale de Salem que sur les documents officiels de la Cour et les témoignages oculaires. Tout de même, la plupart des écrits s’accordent pour dire que cette femme a réellement été accusée par les jeunes femmes dans l’entourage du révérend Parris, son propriétaire, et a évité la pendaison en avouant rapidement ses « crimes » lors du Procès des sorcières de Salem et en accusant d'autres personnes. Elle a ensuite été incarcérée[13]. Dans son roman, Condé fait en sorte que Tituba soit achetée par un Juif, puis affranchie pour retourner en Barbade et participer aux révoltes d’esclaves en femme libre. Le fait que l’auteure attribue un destin extraordinaire, une détermination et une force d’esprit à ce personnage historique dont le récit est incertain montre qu’elle pose un regard féministe sur le passé. À titre d’exemple, alors que Tituba soigne un marin noir à bord du bateau qui la ramène à la Barbade, ce dernier tente de la consoler en lui disant : « Tu es en vie Tituba! N’est-ce pas l’essentiel? », mais Tituba n’est pas de cet avis et elle se dit : « Non ce n’[est] pas l’essentiel. Il fa[ut], oui, il fa[ut] que la vie change de goût[14]. » Dans ce passage, la métaphore « il faut que la vie change de goût » montre que, pour la femme esclave, vivre ne consiste pas seulement à respirer – manger –, mais également à s’épanouir, à connaître le bonheur – déguster –. Malgré tout ce qu’elle a vécu, Tituba ne se contente pas de survivre, elle tente d’améliorer son sort en tant que femme, ce qui lui donne une détermination, une force morale propre à la pensée féministe moderne. Ainsi, Maryse Condé revalorise une figure féminine, celle de la femme esclave, grâce au personnage historique de Tituba à qui elle redonne non seulement un nom, mais également un souffle, un but.

Lawrence Hill
De son côté, Lawrence Hill n’a pas eu recours à un personnage historique, mais la voix d’Aminata, son personnage principal, est calquée sur les quelque 150 récits d’anciens esclaves publiés au XIXe siècle comme celui de Harriet Jacobs[15], une abolitionniste née esclave qui a écrit son autobiographie pour la cause. Dans le roman, Aminata entreprend également d’écrire son histoire dans le but d’aider les abolitionnistes anglais qui se battent contre la traite des esclaves. D’ailleurs, elle insiste pour écrire elle-même le récit de sa vie, comme plusieurs anciens esclaves, pour qu’il ne soit pas teinté par la voix des abolitionnistes ou celle des autres Noirs, ce qui ajoute à l’authenticité de ses propos : « Si je rédige mon récit, il sera complet. Mais ce seront mes paroles et seulement les miennes »[16]. À travers ses paroles chargées de déterminants possessifs, Aminata montre qu’elle garde le contrôle de sa vie et qu’elle ne laisse personne entraver sa liberté d’expression. Cette caractéristique propre à la figure féminine véhiculée par les auteurs féministes montre l’intention de relecture de l’auteur : il va sans dire que, à cette époque, une femme aurait difficilement pu s’imposer de la sorte. Également, le destin de la jeune Africaine peut par moments paraître incroyable, mais il est pourtant tout à fait plausible, étant basé sur des faits historiques ainsi que sur une série de hasards, de coïncidences. Ainsi, Hill opte pour un personnage fictif aux valeurs contemporaines, comme l’égalité des sexes et des races, la solidarité féminine ou encore la liberté, dans un cadre plausible historiquement et inspiré de vrais esclaves ayant partagé le récit de leur vie.

En outre, les personnages principaux des œuvres de Lawrence Hill et de Maryse Condé valorisent à leur tour des figures féminines à l’intérieur même de leur récit respectif.

Dans Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, l’auteure met en scène plusieurs autres personnages féminins qui suivent Tituba tout au long de son cheminement, dont Man Yaya, une vieille femme qui la recueille comme une mère et lui enseigne tout son savoir. Bien qu’elle décède au début du roman, cette dernière demeure au cœur de l’histoire sous la forme d’un fantôme que Tituba appelle grâce à ses dons lorsqu’elle a besoin de soutien ou de conseils. En effet, Man Yaya est non seulement celle qui lui enseigne ses connaissances des plantes et des sorts, mais elle joue également le rôle d’ange gardien, de protectrice, de présence féminine. C’est cette image de femme puissante, savante, qui inspire Tituba et qui lui sert de modèle. Ainsi valorise-t-elle une figure féminine caractérisée par une force d’esprit et de caractère qui correspond à l’image de la femme que véhiculent les féministes. De plus, à la suite de son arrestation à Salem, Tituba rencontre une autre femme, Hester, prisonnière également, accusée d’adultère et porteuse d’un message engagé à propos de la condition de la femme : « Et pendant que je croupis ici, celui qui m’a planté cet enfant dans le ventre va et vient librement[17]. » À travers son discours cru, Hester dénonce l’inégalité entre les hommes et les femmes et montre qu’elle ne se soumet pas à la pensée puritaine sexiste. Le double sens de l’expression « va et vient », qui fait référence à la fois à la liberté de circuler et au mouvement lors d’une relation sexuelle, illustre le pouvoir de l’homme à travers ses avantages sociaux et ses abus à l’égard de la femme, dont les agressions sexuelles. Tituba développe une relation particulière avec Hester le temps de leur côtoiement en prison. Elle s’identifie à ses propos et prend elle aussi conscience de la réalité des femmes. Bien après leur séparation, Tituba repense souvent à cette femme engagée, fonceuse. De cette façon, elle la valorise, lui rend hommage : « Un jour, je découvris une orchidée dans la racine mousseuse d’une fougère. Je la baptisai Hester[18]»

Dans Aminata, Georgia joue le même rôle que Man Yaya, c’est-à-dire celui d’enseignante et de mère. En effet, elle transmet son savoir de sage-femme et de guérisseuse à la jeune Aminata, en plus de tenter par tous les moyens de la protéger des risques et des mauvais traitements associés à la vie dans la plantation. Il s’agit d’un personnage fort puisqu’il s’évertue à aider tous ceux qui l’entourent, à commencer par les femmes de la région qui ont besoin d’être assistées lors de leur accouchement. C’est une femme que la jeune héroïne valorise à travers une confiance et un respect sans borne. À son tour, Aminata porte secours à plusieurs autres femmes. Par exemple, elle aide Dolly, la deuxième domestique qui partage son quotidien lorsqu’elle est au service des Lindo à Manhattan, à mettre au monde son enfant. À travers cet entraide féminine, il est possible d’observer la valorisation et l’admiration mutuelle des femmes.

Ainsi, contrairement à Tituba, Aminata ne valorise pas directement les femmes qui l’entoure par des mots ou des gestes affectueux, mais plutôt à travers son aide et son respect.

La valorisation de figures féminines se voit également à travers la volonté d’engendrer un enfant de sexe féminin. En effet, il est possible pour « les femmes [de] transmett[re des valeurs créatrices en mettant symboliquement d’autres femmes au monde, sans le concours des hommes et loin de la lignée du Père qui efface le nom des femmes[19]. »

Dans le roman de Maryse Condé, lorsque Tituba réalise qu’elle est enceinte, elle est rapidement convaincue qu’elle donnera naissance à une fille, sans en avoir la preuve concrète. Cette pensée montre que d’engendrer un enfant de sexe féminin représente une réussite, une réalisation. Elle peut également illustrer le fait que la femme est incomprise par l’homme et qu’elle tente de s’en distancer en partageant son quotidien avec une fille à qui elle peut se confier. D’autant plus que Tituba ne prend pas la peine d’informer le père de sa grossesse, convaincue qu’il s’agit du dernier de ses soucis. Pour l’époque, cette vision est très avant-gardiste puisque, normalement, aucun enfant en dehors de liens du mariage n’était toléré.

Dans Aminata, un peu à la manière de Tituba, Sanou, une femme que l’héroïne côtoie après sa capture lors de sa longue marche vers le négrier, est convaincue que l’enfant qu’elle porte est une fille :

Je lui demandai si elle allait bientôt avoir son bébé. « Très bientôt, me dit-elle. Ce n’est pas le bon moment. Je voudrais que le bébé attende. – Le bébé ne connaît pas nos malheurs, dis-je. Penses-tu que ce sera un garçon? – Une fille. Elle ne veut pas attendre. – Comment sais-tu que ce sera une fille? – Seule une petite fille impatiente viendrait au monde à un si mauvais moment. Seule une fille oserait me défier. Un garçon ne me défierait pas. Il saurait que je le battrais. […] – Et tu ne battrais pas une fille? – Une fille c’est trop intelligent. Elle sait comment éviter la fessée[20]. »

À travers ce dialogue, Sanou s’appuie sur l’entêtement et la détermination de son enfant à naître pour définir son sexe. Lorsqu’elle dit que seule une fille pourrait la défier, elle fait référence à une force de caractère qui serait innée et qui ne pourrait correspondre qu’au sexe féminin. Par ses déductions, Sanou fait transparaître sa valorisation de la femme et sa volonté d’engendrer une fille. Également, Aminata met elle-même une fille au monde lors de sa deuxième grossesse et se voit dans l’obligation de s’en occuper seule puisque le père ne réussit pas à se rendre en Nouvelle-Écosse sain et sauf. Sa situation rappelle la réalité de plusieurs femmes modernes qui doivent élever leurs enfants dans la monoparentalité : elles doivent à la fois travailler pour subvenir à leurs besoins et être présentes à la maison pour s’en occuper. Elle fait donc également référence à la lutte féministe contre les mauvaises conditions des femmes qui doivent élever leurs enfants sans l’aide du père.

La maternité est une fonction importante pour la femme esclave dans les deux œuvres. Elle représente pour les héroïnes un désir de perpétuer leur lignée personnelle, mais également celle des Noirs, et ce, idéalement en engendrant une fille, acte contestataire devant un système patriarcal envahissant et oppressant pour la femme. Il est possible de remarquer à la fois chez Condé et chez Hill que la femme trouve un sens à sa vie et à sa lutte dans la procréation. Dans le cas de Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, la peur de voir son enfant souffrir dans le monde cruel et injuste de l’esclavage pousse Tituba jusqu’à avorter sa grossesse. Dans celui d’Aminata, l’héroïne n’ose pas commettre un tel geste, ce qui l’amène à subir le déchirement que lui cause la séparation forcée avec ses enfants. De plus, Tituba se distingue par le peu d’importance qu’elle accorde au père de ses enfants, ne le consultant pour aucune décision et voyant la parentalité comme un aspect qui ne concerne que la femme. Aminata, au contraire, souffre de l’absence du père de son enfant et lui accorde une certaine valeur.

Il est possible de remarquer à travers la revalorisation de figures féminines que, bien que cette démarche entraîne un mouvement positif de solidarité entre les femmes, elle met en lumière le fait qu’être une femme dans un système patriarcal représente un désavantage significatif. En effet, à travers l’Histoire, la condition de la femme se distingue de celle de l’homme. Cette réalité, dans la majorité des cas négligée par les historiens comme le cas de Tituba le prouve, incite les auteurs de romans historiques féministes à revisiter des périodes marquantes de l’Histoire des femmes.

La recherche d’un passé oublié des femmes
L’esclavage au féminin
Les premières traces d’existence de l’esclavage remontent à il y a quatre millénaires. Cette pratique a été la base de la structure économique pendant longtemps. Elle atteint son paroxysme d’abord dans le bassin méditerranéen, dans l’Antiquité, puis sur les rives de l’Atlantique avec la découverte du Nouveau Monde et la création des plantations coloniales. Cette pratique a été abolie en plusieurs étapes : les révoltes échouées, une crise morale au XVIIIe siècle concernant le manque de précision dans la Genèse (les Noirs sont-ils des animaux ou des humains?) ainsi que plusieurs traités, actes et conférences ont contribué à une renonciation progressive. Finalement, la suppression de l’esclavage est réaffirmée par la Déclaration universelle des droits de l’homme (ONU, 1948)[21].

Au fil du temps, les femmes expérimentent l’esclavage d’une façon très différente de celle des hommes. Elles devaient subir la violence de leur capture, en plus de la violence sexuelle à bord des navires. Ensuite, elles étaient exploitées non seulement pour leurs capacités productives, mais également pour leurs capacités reproductives, ce qui les amenait à être victimes d’agressions et de violence sexuelles de la part de leur maître et des hommes blancs, mais aussi de leurs pairs masculins, les hommes noirs[22].

Dans Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, cette oppression est présente dans plusieurs passages tels que celui où Tituba explique dans quelles circonstances elle a été conçue :

Quand découvris-je que ma mère ne m’aimait pas? Peut-être quand j’atteignis cinq ou six ans. J’avais beau être "mal sortie", c’est-à-dire le teint à peine rougeâtre et les cheveux carrément crépus, je ne cessais pas de lui remettre en l’esprit le Blanc qui l’avait possédée sur le pont du Christ the King au milieu d’un cercle de marins, voyeurs obscènes. Je lui rappelais à tout instant sa douleur et son humiliation[23].

Fers esclave (wikipedia.org)
À travers le personnage de la mère, et plus tard dans le récit à travers son héroïne, Maryse Condé expose le sentiment de souffrance liée à l’oppression masculine et les conséquences psychologiques des actes de violence sur la femme esclave. Dans ce passage, le choix du verbe « posséder » illustre l’emprise de l’homme sur la femme dans une société où ce dernier est dominant et démontre cette supériorité par des actes humiliants comme le viol. L’extrait souligne également le fait que le sexe n’est pas le seul facteur d’intimidation, mais que la couleur de la peau est un autre élément qui détermine à cette époque la hiérarchie entre êtres humains, les Noirs étant inférieurs et réduits à l’esclavage.

Dans le cas d’Aminata, il semblerait que Hill ait limité la souffrance physique et priorisé la souffrance psychologique pour son personnage[24], ce qui le différencie de Condé. Tout de même, Aminata n’échappe pas pour autant à la violence. Alors que Georgia part pour aller aider une femme à accoucher, Appleby, le maître de la plantation, amène la jeune fille dans sa demeure et la pousse le long du couloir, puis dans une chambre :

« – C’est qui ce garçon qui te court après? – Pas de garçon, Maître » Il me gifla. « – C’est pas un des miens. C’est qui? – Pas de garçon, Maître. » Il me bâillonna d’une main, m’immobilisa avec sa poitrine et commença à déboutonner son pantalon de l’autre main. Il pesait de tout son poids sur moi. Je sentais sa peau moite, sa sueur. Il puait. « – C’est qui ton propriétaire? – Maître. – J’ai dit c’est qui ton propriétaire? » Les poils rêches de sa poitrine me piquaient les seins. Sa barbe de plusieurs jours m’égratignait le visage. « - Maître, faites pas ça, je vous en prie… - T’as pas à me dire quoi faire. » Le souffle coupé, je me débattais, mais j’étais coincée sous son poids. Je pensais à lui mordre l’épaule ou un doigt, mais je craignais qu’il ne me blesse encore plus. […] Il possédait mon travail mais, avec son membre tout raide et gonflé, il allait me posséder tout entière. […][L]a douleur fut terrible quand il plongea dans un endroit de mon être qui n’appartenait qu’à moi[25].

Dans ce passage, il est possible de remarquer que le maître tente de montrer sa supériorité en jouant sur le sentiment d’humiliation, d’impuissance et d’inconfort qu’amène cette oppression ainsi que son pouvoir de possession. Hill tente donc de mettre en lumière la condition de la femme esclave victime de violence autant physique et sexuelle que psychologique.

Les différents auteurs sur l’esclavagisme au féminin s’accordent également pour dire que les femmes étaient exclues des emplois qualifiés à l’exception des emplois de ménagère, de gouvernante, d’infirmière et de sage-femme, ce qui amenait la plupart d’entre elles à travailler dans les champs alors que les travailleurs qualifiés avaient de meilleures conditions. Elles devaient donc effectuer leur travail dans les plantations, mais également les tâches domestiques pour leur maître et pour les esclaves masculins lorsqu’elles vivaient en couple[26]. Dans Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, l’héroïne travaille surtout comme sage-femme, comme guérisseuse et comme domestique. Également, elle partage pour un moment sa vie quotidienne avec un homme noir, ce qui l’amène à devoir effectuer à la fois  les travaux pour son maître et les tâches ménagères pour son conjoint. Dans Aminata, l’Africaine expérimente un éventail de métiers allant de l’esclave dans les plantations d’indigo à la comptable, passant par la sage-femme. Elle connaît une souffrance plus grande liée à ses conditions de travail, surtout dans les plantations, que Tituba. Toutefois, contrairement à cette dernière, son éducation lui permet, lorsqu’elle retrouve sa liberté, de trouver plus facilement du travail, chez un imprimeur par exemple.

Les auteurs féministes comme Maryse Condé et Lawrence Hill soulignent aussi la résistance des femmes esclaves. Afin de démontrer leur refus des humiliations, les femmes esclaves se caractérisaient par une forte résistance à l’oppression qu’elles manifestaient de plusieurs façons, autant individuelles que collectives[27]. Cet aspect sera traité un peu plus loin dans ce travail dans la section sur le militantisme féministe.

Les écrivains qui traitent de l’esclavage vécu par les femmes s’attardent également sur la souffrance liée à la procréation. Pour une femme esclave, engendrer un enfant est une souffrance supplémentaire à sa condition pour plusieurs raisons : elle doit subir les maltraitances pour son faible rendement lorsqu’elle est enceinte, elle doit travailler le plus longtemps possible malgré sa condition, elle doit subir la douleur et les risques de l’accouchement, elle doit élever son enfant dans un environnement hostile et doit vivre la possible séparation avec celui-ci[28].

Dans l’œuvre de Maryse Condé, lorsque Tituba découvre qu’elle est enceinte pour la première fois, elle décide de mettre fin aux jours de son enfant pour lui éviter la souffrance liée à la condition d’esclave : « Ce fut un peu après [l’exécution publique de la femme Glover] que je m’aperçus que je portais un enfant et que je décidai de le tuer. […] Pour une esclave, la maternité n’est pas un bonheur. Elle revient à expulser dans un monde de servitude et d’abjection, un petit innocent dont il lui sera impossible de changer la destinée.[29]» Condé montre à travers cette décision que Tituba n’a tellement pas le contrôle de sa vie qu’elle préfère ne pas la partager avec son enfant. De plus, l’auteure laisse entendre par la métaphore qui compare la mort de l’enfant de Tituba et celle d’une femme exécutée sur la place publique que la société de l’époque est la cause du malheur des femmes esclaves :

Je me remis difficilement du meurtre mon enfant. Je savais que j’avais agi pour le mieux. Pourtant l’image de ce petit visage dont je ne connaîtrai jamais les contours réels venait me hanter. Par une étrange aberration, il me semblait que le cri qu’avait poussé la femme Glover en s’engageant dans le corridor de la mort, venait des entrailles de mon enfant, supplicié par la même société, condamné par les mêmes juges[30].

De son côté, dans l’œuvre de Lawrence Hill, Aminata est d’abord témoin de la misère associée à l’accouchement :

Georgia m’emmenait toutes les fois qu’on lui demandait d’aider à des accouchements dans la plantation ou dans les îles voisines. Environ un bébé sur trois mourait à la naissance ou peu de temps après, et un grand nombre de mères rendaient l’âme elles aussi. J’adorais assister Georgia, mais j’avais du mal à affronter la maladie et la mort[31].

Dans cet extrait, la jeune fille prend conscience de la réalité des femmes qui enfantent dans les mauvaises conditions des plantations. Malgré cela, lorsqu’elle tombe elle-même enceinte, c’est plutôt la maltraitance de son maître qui rend sa condition difficile. En effet, au moment où Appleby réalise que la jeune fille porte un enfant et qu’il n’a pas eu le contrôle sur cet accouplement, il la punit en déchirant ses vêtements, en les faisant brûler, en rasant ses cheveux et en la menaçant. Ainsi, parce qu’elle porte un enfant, Aminata subit les agressions de son maître qui tente de montrer sa domination par l’humiliation. Également, après avoir accouché, la jeune esclave n’a droit qu’à une semaine de congé et doit ensuite retourner travailler à la plantation, ce qui appuie le fait que les femmes devaient souffrir de leur faible rendement et travailler le plus possible malgré leur santé fragile. Finalement, étant la propriété d’un autre, Aminata n’a aucun droit sur son enfant de sorte qu’il lui est possible de le perdre à tout moment. Quelque temps après la naissance de son enfant, elle le voit effectivement vendu à un autre maître : « Ce bébé ne t’appartient pas plus que la laine sur ta tête, lança Appleby. Ils sont à moi tous les deux[32]. » En comparant l’enfant aux cheveux de sa mère qu’il avait auparavant rasés publiquement, le maître souligne son pouvoir de possession qui réduit la femme et son enfant à la même condition qu’un objet. Ainsi, la femme esclave est de nouveau victime de sa condition qui l’empêche de protéger et de garder près d’elle son propre enfant.

L’esclavage au féminin est donc revisité par les auteurs féministes dans le but de montrer que le fait d’être une femme dans une communauté esclavagiste représentait un désavantage considérable. Les femmes esclaves n’ont par contre pas été les seules à subir la domination de leur société patriarcale. Les femmes dites sorcières ont également été opprimées et ont subi d’horribles traitements sexistes.

Le Procès des sorcières
À travers la recherche de symboles et de valeurs propres aux femmes dans l’écriture féministe, la figure polyvalente de la sorcière joue un rôle important, emblématique. Dans l’imaginaire masculin traditionnel, surtout dans celui de l’Église, celle-ci est présentée comme une créature hideuse, terrifiante, qui jette des sorts, pratique des messes noires et fornique avec le diable[33]. Pourtant, la réalité historique ne concorde pas avec cette image. Les hommes auraient développé une figure négative de la sorcière en réaction contre « une autonomisation des femmes à la Rennaissance ou contre le succès des guérisseuses et des sages-femmes[34] », entraînant ainsi la persécution, voire le génocide des femmes dites sorcières. Celles qui ont été exécutées possédaient souvent, « dans le domaine de la santé, une sagesse ancestrale fondée sur l’observation, la connaissance des plantes et l’expérience pratique, à l’époque où les médecins obéissaient encore à l’ancienne doctrine des humeurs[35] ». Elles représentent une prise en main par les femmes de leur santé, de leur corps, ainsi qu’un contrôle sur leur procréation[36].

Dans, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, cette réalité est fortement représentée. D’abord, Tituba est témoin de la pendaison d’une femme accusée de sorcellerie à Boston. Au milieu de la foule excitée et curieuse, la jeune esclave tombe à genoux en hurlant la souffrance de cette femme qui lui est inconnue. À la suite de cet événement, elle constate avec étonnement l’attitude de la population :

Toute la ville ne parlait que de cette exécution. Ceux qui avaient vu, racontaient à ceux qui n’avaient pas vu comment la femme Glover avait hurlé en voyant la mort, comme un chien hurle à la lune, comment son âme s’était échappée sous la forme d’une chauve-souris cependant qu’une purée nauséabonde, preuve de la vilenie de son être, descendait le long des sarments de ses jambes. Moi, je n’avais rien vu de tel. J’avais assisté à un spectacle de totale barbarie[37].

Cette scène montre que la jeune esclave noire s’associe à l’accusée et qu’elle souffre avec elle. De plus, le mépris des autres personnages envers la victime, qui est ridiculisé par le manque flagrant de preuves d’accusation, ajoute à la dénonciation de cette pratique sexiste. En ce sens, la victimisation de la sorcière illustre l’intention féministe de l’auteure qui tente de revaloriser cette figure à travers la compassion, la souffrance et la clairvoyance de son personnage principal par rapport à la situation.

Dans le roman, Tituba est ensuite elle-même accusée de sorcellerie et emprisonnée sous des prétextes superstitieux. Effectivement, c’est à cause des mises en scène et des accusations de petites filles qu’elle fut arrêtée :

Un soir donc, après le souper, Betsey glissa raide par terre et resta étendue, les bras en croix, les prunelles révulsées, un rictus découvrant ses dents de lait. Je me précipitai pour la secourir. À peine mon bras avait-il effleuré son bras cependant, qu’elle se rétracta et poussa un hurlement. Je demeurai interdite. […] Je ne pus m’empêcher de revoir l’expression du regard que m’avait lancé maîtresse Parris. Le mal inconnu qui frappait Betsey ne pouvait venir que de moi[38].

Dans cet extrait, l’étonnement de Tituba montre qu’elle est innocente et qu’elle n’a rien à voir avec les agissements de Betsey. Pourtant, parce qu’elle est différente et parce que les enfants se méfient de sa personne et de ses dons de guérisseuse, c’est sur elle que reposent les soupçons. Par cette interprétation des événements entourant le Procès de Salem qui penche pour l’innocence des accusées et pour la théorie d’un complot, la relecture de l’auteure se caractérise par un message féministe. En effet, en montrant que les femmes accusées de sorcelleries étaient injustement torturées ou exécutées, Maryse Condé valorise l’image de la sorcière et diabolise les membres de la société puritaine dans le but de dénoncer la condition générale de la femme dans une société patriarcale oppressante.

Dans l’œuvre de Hill, la sorcellerie est abordée de façon plus subtile. Le contexte du Procès de Salem n’étant pas présenté explicitement, plusieurs femmes révèlent tout de même des caractéristiques associées à la sorcière. En effet, comme mentionné précédemment, celles qui étaient exécutées, à l’époque, étaient souvent des sages-femmes ou des guérisseuses qui possédaient des connaissances ancestrales dans le domaine de la santé fondé sur l’observation, la transmission du savoir et l’expérience. Au même titre que sa mère et que Georgia, sa tutrice dans les plantations aux États-Unis, et grâce à leurs précieux conseils, Aminata développe un savoir sur les plantes médicinales, les maladies et les secrets du corps qui la rapproche de la figure de la sorcière : « Maman m’amenait avec elle lorsque les femmes se trouvaient à leur bâillonnement extrême. Je surveillais ses mains agiles desserrer les cordons ombilicaux qui encerclaient le cou des bébés. Je la voyais enfoncer une main à l’intérieur de la femme, l’autre appuyée à l’extérieur de l’utérus, pour retourner le bébé[39]. » Cet extrait met en lumière le savoir et les techniques qui sont transmis de génération en génération par les femmes. Ces connaissances, en médecine surtout, semblables à celles des sorcières de Salem, illustrent la puissance de la femme qui tente de reprendre le contrôle de son corps, de sa santé et de sa fertilité.

En somme, à l’aide de l’image de la sorcière, « [l]es écrivaines opposent [au stéréotype négatif véhiculé par l’ordre patriarcal] une femme vivante, admirable, dont la voix singulière et plurielle […] se fait enfin entendre ».

Le militantisme féministe
Dans la relecture historique féministe visant à redonner des valeurs contemporaines à un personnage féminin dans un contexte historique réaliste, les héroïnes deviennent les ambassadrices d’un mouvement de contestation. En effet, les auteurs tentent non seulement de les revaloriser et de revisiter leur passé, mais également de représenter à travers elles la psychologie de la femme moderne. Contrairement à ce que permettaient les idéologies au temps de l’esclavage et du Procès de Salem, l’arrivée du féminisme permet à la femme de s’affirmer, ce qui l’amène à refuser l’oppression, à développer une volonté d’action et à rechercher la maîtrise de son propre destin. Ainsi est-il possible de trouver une forme de militance dans le roman historique féministe, entre autres à travers les figures de la femme esclave et de la sorcière, qui mettent en valeur la lutte contemporaine pour l’égalité des sexes et des races ainsi que pour la liberté de l’individu.

La femme revendicatrice
D’abord, les deux romans présentent un personnage proncipal féminin doté d’une force revendicatrice. Étant associée au contexte de l’esclavage et de la sorcellerie, cette revendication concerne essentiellement la liberté physique et intellectuelle de la femme. Cette dernière se voit donc prête à tout sacrifier pour atteindre son but qui consiste à vivre une existence libre.

Dans le roman de Maryse Condé, Tituba sacrifie d’abord sa liberté pour s’adonner à un mariage d’amour. À la suite de cette décision, ses valeurs évoluent et sa condition d’esclave vient entraver sa poursuite du bonheur. Lorsqu’elle est achetée par un Juif à la fin du Procès de Salem, elle cherche par-dessus tout à gagner sa liberté pour retourner à la Barbade et rejoindre les siens : « – Il y a toujours une ombre au fond de tes yeux, Tituba. Qu’est-ce que je peux te donner pour que tu sois heureuse? – La liberté[40]! » L’utilisation de la métaphore « une ombre au fond de tes yeux » illustre la perte de vitalité qu’engendre une existence de servitude chez l’héroïne. À travers ce dialogue, Tituba demande concrètement à son maître de l’affranchir et affirme que ce geste lui permettrait de retrouver sa joie de vivre. Elle revendique donc son droit à la liberté à travers ses paroles et ses sentiments.

Dans le livre de Lawrence Hill, Aminata apprend rapidement, de par ses expériences, la valeur de la liberté. Alors qu’elle s’est enfin défaite de ses chaînes d’esclave, la jeune femme est réduite à la pauvreté et à la misère des quartiers défavorisés de la Nouvelle-Écosse. Observant d’autres Noirs offrir leurs services en échange de meilleures conditions, mais au prix de leur liberté, elle promet à l’enfant qu’elle porte que rien ne pourra la mener de nouveau à une existence de servitude : « “Mon enfant, jamais je ne nous ferai engager, toi et moi, pour survivre. Je gagne tout juste assez pour assurer notre subsistance. La première chose que tu apprendras de moi, c’est d’où vient ta maman et à quel peuple tu appartiens. La deuxième chose que je t’enseignerai, ce sera à lire et à écrire[…]” »[41]. À travers la promesse d’une identité et d’un savoir, l’auteur met en valeur la liberté que l’héroïne revendique au prix de sa condition. En effet, mener une existence libre est plus importante pour Aminata que la qualité de son quotidien. Ce sacrifice illustre sa détermination et ses convictions.

Également, à la fin de sa vie, alors qu’elle vit à Londres auprès des abolitionnistes, l’Africaine écrit son histoire dans le but de témoigner contre la traite des esclaves. Ainsi ne se contente-t-elle pas de sa propre liberté, mais cherche-t-elle à défendre celle des autres membres de sa communauté. C’est ce qui la différencie de Tituba. Cette dernière se soucie davantage de son propre avenir et de celui de son enfant. Malgré tout, les deux femmes observent le même but, celui d’améliorer leur société.

La femme combative
La femme esclave et sorcière se caractérise également par sa combativité. En représentant une résistance à l’oppression et une révolte de la femme dans leurs romans historiques, les auteurs féministes participent à l’élaboration d’un modèle féminin plus vigoureux et plus déterminé que celui, par exemple, de l’Église. Cette réalisation devient d’autant plus symbolique lorsqu’elle s’applique au contexte de l’esclavage où la femme est physiquement enchaînée.

Au fil du temps, de nombreuses révoltes d’esclaves ont eu lieu. Elles ont par contre toujours échoué. Les causes de ces échecs sont diverses : la difficulté d’organiser un soulèvement dans une structure agricole où la densité géographique est faible, l’infériorité du commandement et de l’armement des insoumis et le manque de cohésion des rebelles autour d’un chef et d’un programme politique. Les révoltés se seraient joints à de tels mouvements plus par colère ou désespoir que dans le but de reconstruire une société plus humaine à leur égard[42].

Comme mentionné précédemment, les femmes esclaves expriment leur désir de liberté à travers des gestes de révolte, souvent plus symboliques qu’efficaces. Les suicides, par exemple à l’aide de poison, les révoltes, le marronnage[43], l’infanticide, l’avortement ainsi que les mutilations volontaires sont tous des exemples de manières trouvées par les femmes esclaves de se rebeller. À titre d’exemple concret, le 13 septembre 1774, quatorze esclaves embarquées sur le Soleil, un négrier, se sont jetées ensemble par-dessus bord[44]. Dans l’œuvre de Maryse Condé, Tituba développe un sentiment de révolte qui la pousse à agir. Étant de retour à la Barbade en femme libre lorsqu’elle tombe enceinte pour la deuxième fois, Tituba décide de garder l’enfant, mais reste inquiète quant à la qualité de son avenir. Cette inquiétude l’amène à trouver la force de se battre pour son peuple : « [M]on enfant me rendit combative. C’était une fille, j’en étais sûre! Quel avenir connaîtrait-elle? Celui de mes frères et sœurs esclaves, ravagés par leur condition et leur labeur? Ou alors un avenir semblable au mien, paria, forcée de se cacher et de vivre recluse à la lisière d’un grand-fond? Non, si le monde devait recevoir mon enfant, il fallait qu’il change[45]. » En effet, ne pensant plus qu’à son seul bonheur, mais également à celui de son enfant, Tituba trouve la force d’organiser une révolte d’esclaves. Contrairement à la majorité des esclaves qui se révoltaient normalement par colère ou par désespoir, l’héroïne de Condé vise plutôt le changement pour une société plus équitable.

De plus, le personnage d’Abena, la mère de Tituba, lutte également contre sa condition de femme esclave par sa résistance à la domination. Au début du roman, lorsqu’elle est agressée par son maître, Abena exprime sa résistance en hurlant et se débattant, allant jusqu’à utiliser une arme contre l’homme qui tente de la violer. Par la suite, cette action lui coûte la vie[46], ce qui montre que la femme esclave préfère risquer sa vie plutôt que de se laisser briser, humilier. Étant donné que Tituba éprouve un grand respect pour sa mère, il est possible d’affirmer qu’elle prend exemple sur cette dernière et que sa propre vigueur et combativité serait calquées sur son modèle maternel.

Toujours dans l’œuvre de Maryse Condé, Tituba est influencée par les autres femmes de son entourage qui tentent par tous les moyens de garder le contrôle de leur corps. Entre autres, les techniques d’avortement et de stérilisation font partie de sa réalité :

Pendant toute mon enfance, j’avais vu des esclaves assassiner leurs nouveaux-nés en plantant une longue épine dans l’œuf encore gélatineux de leur tête, en sectionnant avec une lame empoisonnée leur ligament ombilical ou encore, en les abandonnant de nuit dans un lieu parcouru par des esprits irrités. Pendant toute mon enfance, j’avais entendu des esclaves échanger les recettes de potions, des lavements, des injections qui stérilisent à jamais les matrices et les transforment en tombeaux tapissés de suaires écarlates[47].

Par cette énumération d’action sur le corps de la femme, l’auteure montre la volonté de maîtrise et un geste de protestation. Ne voulant pas être victimes de leur condition, les femmes esclaves tentent dans prendre le contrôle, ce qui appuie l’idée de combativité.

Dans l’œuvre de Hill, la résistance se voit également à travers quelques gestes physiques. À titre d’exemple, lorsqu’Aminata réalise que son maître lui a enlevé son enfant, elle exprime sa désapprobation, sa révolte, par des coups : « Je courus vers Appleby et lui donnai des coups de poing à la poitrine. Je le giflai et le frappai jusqu’à ce qu’il me jette par terre. – Ramenez-moi mon bébé! criai-je. » Cependant, la plus grande forme de combativité réside davantage dans son attitude, dans ses paroles. Alors qu’elle est au service de Solomon Lindo à Charles Town, son maître lui explique qu’il a vérifié ses comptes et qu’elle lui doit deux livres. Ce à quoi Aminata répond : « Vous me devez beaucoup plus que de l’argent[48]». Cette réplique met en lumière la résistance de la jeune domestique par le refus à l’obéissance. Elle fait aussi comprendre à son maître, par l’insinuation, qu’elle ne se laisse pas dominer, qu’elle n’est pas d’accord avec sa condition et qu’elle exige son respect.

En bref, les auteurs féministes caractérisent leurs personnages féminins par une résistance, une combativité dans le but de créer un nouveau modèle de femme doté d’un fort caractère.

Conclusion
Women's day (worldpress.com)
L’analyse de la relecture historique féministe de la femme esclave et de la sorcière dans l’œuvre de Maryse Condé et dans celle de Lawrence Hill établit que, à travers la revalorisation de figures féminines, la recherche d’un passé oublié des femmes et la démonstration d’un militantisme féminisiste, les auteurs cherchent à véhiculer l’image de la femme moderne et les valeurs de l’idéologie féministe contemporaine dans un cadre historique réaliste. En fait, l’utilisation de l’Histoire constitue un moyen efficace pour montrer l’oppression de la société patriarcale sur la femme à travers le temps et, ainsi, démontrer l’utilité de la lutte féministe. Dans la littérature féministe anglophone, les auteurs ont même inventé un terme pour montrer la différence entre l’Histoire de l’humanité et celle des femmes. Ainsi, lorsqu’ils veulent faire référence à l’Histoire des femmes en particulier, c’est le mot « HERstory » en opposition avec « HIStory » qu’ils utilisent[49]. Malgré qu’elles ne se concentrent pas avec les mêmes proportions sur les différents aspects, les deux œuvres à l’étude mettent en lumière la condition de la femme esclave et de la sorcière tout en présentant des personnages féminins symbolisant le combat pour l’égalité et la liberté. L’importance de l’identité, qui n’a pas été abordée dans le cadre de cette analyse, est un autre aspect qui appuie le projet de relecture historique féministe des deux auteurs et qui aurait pu se retrouver dans la liste des caractéristiques du roman historique féministe. En effet, il aurait été constaté que le sentiment d’appartenance envers un peuple ou une région et la symbolique du nom amènent les esclaves sorcières à s’associer et à développer des liens au même titre que les femmes modernes grâce au mouvement rassembleur qu’est le féminisme.

[1] A. Gautier,  « David Barry Gaspar et Darlene Clark Hine : More than Chattel. Black Women and Slavery in the Americas », dans Recherches féministes, p. 245-246.
[2] J. Rémillard, La voix historique et féministe dans L’Esclave de Micheline Bailp. 33-34.
[3] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec » dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 177.
[4] L. Simard, « Les romancières de l’histoire : Le Québec en fiction » dans Recherches féministes, p. 81.
[5] J. Rémillard, La voix historique et féministe dans L’Esclave de Micheline Bailp. 15
[6] Ibid.p. 12.
[7] Ibid., p. 28-31.
[8] Ibid., p. 27.
[9] Ibid., p. 78.
[10] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec » dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 166.
[11] Loc. cit.
[12] J. Tamiozzo, « L’altérité et l’identité dans Moi, Tituba, Sorcière… Noire de Salem, de Maryse Condé » dans Recherches féministes, p. 123.
[13] A. Barillari, « Tituba », 2001 dans Salem Witch Trials : Documentary archive and transcription project, [article en ligne], (14 mai 2012).
[14] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 212.
[15] M. Desjardins, « Les chaînes invisibles » dans L’Actualité, p. 75.
[16] L. Hill, Aminata, p. 534.
[17] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 153.
[18] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 241.
[19] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec » dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 182.
[20] L. Hill, Aminata, p. 66.
[21] J-P, Berthe, M. Langellé, C. Nicolet, « Eslcavage », dans Encyclopédie Universalis, [article en ligne], (2 mars 2012).
[22] A. Gautier, « David Barry Gaspar et Darlene Clark Hine : More than Chattel. Black Women and Slavery in the Americas », dans Recherches féministes, p. 242-243.
Gauvin, Gilles, Abécédaire de l’esclavage des noirs, p. 39-40.
[23] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 18.
[24] S. Churchwell, « L’enchaînée » dans Courrier international, p. 54.
[25] L. Hill, Aminata, p. 197-198.
[26] A. Gautier, « David Barry Gaspar et Darlene Clark Hine : More than Chattel. Black Women and Slavery in the Americas », dans Recherches féministes, p. 243.
[27] Ibid., p. 244.
[28] Gauvin, Gilles, Abécédaire de l’esclavage des noirs, p. 40.
[29] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 82-83.
[30] Ibid., p. 86.
[31] L. Hill, Aminata, p. 178.
[32] Ibid., p. 218.
[33] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec », dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 166.
[34] Ibid.p. 166.
[35] Ibid., p. 181.
[36] Ibid.p. 166.
[37] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 82.
[38] Ibid., p. 112.
[39] L. Hill, Aminata, p. 29.
[40] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 199.
[41] L. Hill, Aminata, p. 382-383.
[42] J-P, Berthe, M. Langellé, C. Nicolet, « Eslcavage », dans Encyclopédie Universalis, [article en ligne], (2 mars 2012).
[43] Action de vivre en étant un esclave fugitif (Antidote 2011).
[44] Gauvin, Gilles, Abécédaire de l’esclavage des noirs, p. 40.
[45] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 243.
[46] Ibid., p. 20.
[47] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 83.
[48] L. Hill, Aminata, p. 271.
[49] Dictionary.com, Herstory, [en ligne], (1 juin 2012).


Médiagraphie


Œuvres à l’étude

Condé, Maryse, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, coll. Folio, No 1929, Paris, Éditions Gallimard, 1988, 288 p.

Hill, Lawrence, Aminata, Montréal, Éditions de la Pleine Lune, 2010, 568 p.

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