La relecture historique féministe de la femme esclave dans Aminata de
Lawrence Hill et dans Moi, Tituba,
sorcière noire de Salem de Maryse Condé
Lawrence Hill, jeune écrivain canadien, connaît un succès international
avec son œuvre originellement titrée The
Book Of Negroes parue en français en 2010. L’auteur reçoit pour son roman plusieurs prix littéraires, dont le
Commonwealth Writer’s Prize, le Rogers Writer’s Trust
Fiction Prize, le Canada Reads, ainsi que le titre d’auteur de l’année aux
Libris Awards de la Canadian Booksellers Association. Il est bien reçu
par la critique, notamment par The New
York Times, The Globe and Mail, la Presse et le Devoir. L’histoire débute à Londres au début du XIXe
siècle lorsque Aminata Diallo, une femme noire d’origine africaine, entreprend
d’écrire l’histoire de sa vie, celle d’une petite fille enlevée dans son
village en Afrique et forcée de traverser l’océan pour être vendue comme
esclave en Caroline du Sud, dans le but de témoigner contre la pratique de
l’esclavage. Moi, Tituba, sorcière noire
de Salem de Maryse Condé, roman paru pour sa part en 1988, raconte
l’histoire d’une jeune femme noire originaire de la Barbade et réduite,
à la suite de son mariage d’amour, à la condition d’esclave, puis accusée de
sorcellerie par la petite communauté puritaine de Salem qui effectue à l’époque
une série d’arrestations qui mènent à un procès meurtrier. Il s’agit d’une des nombreuses œuvres de Condé, écrivaine
francophone originaire de la Guadeloupe. En plus d’être reconnue par la
critique pour la trentaine d’ouvrages à son actif, l’auteure reçoit plusieurs
honneurs et distinctions. Pour son roman sur Tituba, elle reçoit le Grand
Prix littéraire de la Femme, Alain Boucheron, en 1987 et le 50e Grand Prix
littéraire des jeunes lecteurs de l’Île-de-France en 1994.
Ces deux œuvres font la relecture historique féministe de la
femme esclave et de la sorcière. À travers celles-ci, il est possible de reconnaître
la valorisation de figures féminines, la recherche d’un passé oublié des femmes
ainsi que le militantisme féministe, tous des aspects caractéristiques du roman
historique féministe.
À partir de l’arrivée du féminisme, il est possible de
percevoir un nombre grandissant d’auteures[8]
et la figure féminine littéraire change. Écrire, pour une femme, devient un
acte subversif et revendicateur en soi[9].
Ainsi apparaît-il un nouveau genre littéraire qui respectent les
caractéristiques du nouveau roman historique et qui répond à l’idéologie féministe
grandissante de l’époque. L’une des démarches féministes consistait à rechercher
des symboles et des valeurs propres aux femmes. Dans le monde de la
littérature, cette démarche a mené à la revalorisation de figures féminines comme
celle de Ève, personnage féminin dans le récit de la Genèse, qui est présentée
par le système patriarcal comme une femme faible séduite par le diable, mais
qui, dans l’imaginaire féministe, devient plutôt une rebelle et une jouisseuse[10].
La figure de la femme esclave ainsi que celle de la sorcière sont des cas similaires.
Ainsi, les écrivain(e)s féministes « célèbrent les traits associés aux
femmes et dévalorisés par la culture masculine »[11].
Maryse Condé utilise d’ailleurs un personnage historique dans son œuvre.
Tituba, qui a réellement existé et qui a véritablement vécu le Procès des
sorcières de Salem, a un parcours très similaire au personnage du roman de
l’auteure guadeloupéenne. Condé s’est en effet inspirée de la vie de cette
esclave de la Barbade, dont
les spécialistes de l’histoire ont peu parlé, pour écrire son récit. En
effet, « [e]n raison de son
sexe, de sa race et de sa classe, elle a peu suscité l’attention des historiens
et des historiennes »[12].
Il est possible de remarquer la relecture historique de ce personnage
non seulement à travers ses idéologies contemporaines, mais également dans la
création d’une suite à son histoire, qui, normalement, ne s’étend pas plus loin
que le Procès de Salem. La
plupart des perceptions et des connaissances par rapport à Tituba qui sont
aujourd’hui acceptées comme des faits sont en fait davantage basées sur la
littérature de fiction et celle de la tradition locale de Salem que sur les
documents officiels de la Cour et les témoignages oculaires. Tout de même, la
plupart des écrits s’accordent pour dire que cette femme a réellement été
accusée par les jeunes femmes dans l’entourage du révérend Parris, son
propriétaire, et a évité la pendaison en
avouant rapidement ses « crimes » lors du Procès des sorcières de
Salem et en accusant d'autres personnes. Elle a ensuite été incarcérée[13].
Dans son roman, Condé fait en sorte que Tituba soit achetée par un Juif, puis affranchie
pour retourner en Barbade et participer aux révoltes d’esclaves en femme libre.
Le fait que l’auteure attribue un destin extraordinaire, une détermination et
une force d’esprit à ce personnage historique dont le récit est incertain
montre qu’elle pose un regard féministe sur le passé. À titre d’exemple, alors
que Tituba soigne un marin noir à bord du bateau qui la ramène à la Barbade, ce
dernier tente de la consoler en lui disant : « Tu es en vie Tituba!
N’est-ce pas l’essentiel? », mais Tituba n’est pas de cet avis et elle se
dit : « Non ce n’[est] pas l’essentiel. Il fa[ut], oui, il fa[ut] que
la vie change de goût[14]. »
Dans ce passage, la métaphore « il faut que la vie change de goût »
montre que, pour la femme esclave, vivre ne consiste pas seulement à respirer –
manger –, mais également à s’épanouir, à connaître le bonheur – déguster –. Malgré
tout ce qu’elle a vécu, Tituba ne se contente pas de survivre, elle tente
d’améliorer son sort en tant que femme, ce qui lui donne une détermination, une
force morale propre à la pensée féministe moderne. Ainsi, Maryse Condé revalorise
une figure féminine, celle de la femme esclave, grâce au personnage historique
de Tituba à qui elle redonne non seulement un nom, mais également un souffle,
un but.
De son côté, Lawrence Hill n’a pas eu recours à un personnage
historique, mais la voix d’Aminata, son personnage principal, est calquée sur les quelque
150 récits d’anciens esclaves publiés au XIXe siècle comme celui de Harriet
Jacobs[15],
une abolitionniste née esclave qui a écrit son autobiographie pour la cause. Dans
le roman, Aminata entreprend également d’écrire son histoire dans le but
d’aider les abolitionnistes anglais qui se battent contre la traite des
esclaves. D’ailleurs, elle insiste pour écrire elle-même le récit de sa vie,
comme plusieurs anciens esclaves, pour qu’il ne soit pas teinté par la voix des
abolitionnistes ou celle des autres Noirs, ce qui ajoute à l’authenticité de
ses propos : « Si je rédige mon récit, il sera complet. Mais ce
seront mes paroles et seulement les miennes »[16].
À travers ses paroles chargées de déterminants possessifs, Aminata montre
qu’elle garde le contrôle de sa vie et qu’elle ne laisse personne entraver sa
liberté d’expression. Cette caractéristique propre à la figure féminine
véhiculée par les auteurs féministes montre l’intention de relecture de l’auteur :
il va sans dire que, à cette époque, une femme aurait difficilement pu
s’imposer de la sorte. Également, le destin de la jeune Africaine peut par
moments paraître incroyable, mais il est pourtant tout à fait plausible, étant
basé sur des faits historiques ainsi que sur une série de hasards, de
coïncidences. Ainsi, Hill opte pour un personnage fictif aux valeurs
contemporaines, comme l’égalité des sexes et des races, la solidarité féminine
ou encore la liberté, dans un cadre plausible historiquement et inspiré de
vrais esclaves ayant partagé le récit de leur vie.
À travers le personnage
de la mère, et plus tard dans le récit à travers son héroïne, Maryse Condé
expose le sentiment de souffrance liée à l’oppression masculine et les
conséquences psychologiques des actes de violence sur la femme esclave. Dans ce
passage, le choix du verbe « posséder » illustre l’emprise de l’homme
sur la femme dans une société où ce dernier est dominant et démontre cette
supériorité par des actes humiliants comme le viol. L’extrait souligne
également le fait que le sexe n’est pas le seul facteur d’intimidation, mais
que la couleur de la peau est un autre élément qui détermine à cette époque la
hiérarchie entre êtres humains, les Noirs étant inférieurs et réduits à
l’esclavage.
L’analyse de la relecture historique féministe de la
femme esclave et de la sorcière dans l’œuvre de Maryse Condé et dans celle de
Lawrence Hill établit que, à travers la revalorisation de figures féminines, la
recherche d’un passé oublié des femmes et la démonstration d’un militantisme
féminisiste, les auteurs cherchent à véhiculer l’image de la femme moderne et
les valeurs de l’idéologie féministe contemporaine dans un cadre historique
réaliste. En fait, l’utilisation de l’Histoire constitue un moyen efficace pour
montrer l’oppression de la société patriarcale sur la femme à travers le temps
et, ainsi, démontrer l’utilité de la lutte féministe. Dans la littérature
féministe anglophone, les auteurs ont même inventé un terme pour montrer la
différence entre l’Histoire de l’humanité et celle des femmes. Ainsi,
lorsqu’ils veulent faire référence à l’Histoire des femmes en particulier,
c’est le mot « HERstory » en opposition avec « HIStory »
qu’ils utilisent[49]. Malgré
qu’elles ne se concentrent pas avec les mêmes proportions sur les différents
aspects, les deux œuvres à l’étude mettent en lumière la condition de la femme
esclave et de la sorcière tout en présentant des personnages féminins
symbolisant le combat pour l’égalité et la liberté. L’importance de l’identité,
qui n’a pas été abordée dans le cadre de cette analyse, est un autre aspect qui
appuie le projet de relecture historique féministe des deux auteurs et qui
aurait pu se retrouver dans la liste des caractéristiques du roman historique
féministe. En effet, il aurait été constaté que le sentiment d’appartenance envers
un peuple ou une région et la symbolique du nom amènent les esclaves sorcières
à s’associer et à développer des liens au même titre que les femmes modernes
grâce au mouvement rassembleur qu’est le féminisme.
Médiagraphie
À travers les
récits autobiographiques d’anciennes esclaves qui sont enregistrés aux
États-Unis dans les années 1930, on découvre la représentation de femmes
dynamiques, morales, cherchant la protection de leur communauté, le peuple
noir, devant l’oppression des Blancs. Les héroïnes de ces récits montrent une
résistance victorieuse au harcèlement sexuel et dégagent une force d’âme et une
grande détermination[1]. En ce sens,
le roman historique féministe cherche à revaloriser la figure de la femme
souvent opprimée par le système patriarcal, et ce, tout en revisitant son Histoire.
Dans ce genre associé aux débuts du mouvement féministe, l’héroïne, qui
quitte le rôle secondaire, travaille à sa réalisation personnelle, sacrifiant
tout pour atteindre son but, pour vivre une existence libre. Son corps devient
un élément important de cette quête identitaire : il est exhibé, magnifié
et permet d’aborder la sexualité féminine. On perçoit également l’effacement de
l’homme dans l’intrigue, ou plutôt un portrait de l’homme dénué de force et
d’individualité, souvent un obstacle à l’épanouissement de la femme. De plus, les
auteur(e)s présentent davantage la vie quotidienne dans une période donnée que
l’action et les grands événements historiques. Pour ne pas être anachronique
par rapport à l’idéologie patriarcale de l’Histoire, la femme est souvent
présentée physiquement comme un objet, mais elle s’affirme intellectuellement
comme sujet[2].
Ainsi peut-on créer une œuvre de fiction qui intègre l’idéologie féministe
contemporaine à l’Histoire. Comme l’explique Lori Saint-Martin, écrivaine
féministe québécoise, cette réalisation a d’autant plus d’impact lorsqu’il
s’agit d’une initiative féminine : « [L]a volonté de témoigner, dans la
brisure même du langage, de s’exprimer à tout prix, ne fût-ce que pour raconter
son propre anéantissement, [de d]ire sa vie et celle des autres femmes[, est]
un projet qui conduit les écrivaines à rechercher leurs sœurs perdues, leur
histoire étouffée, leur passé dérobé […] [,] une histoire des femmes, occultée
et gommée au profit de l’histoire de l’humanité »[3]. Le rôle de l’auteur de romans historiques féministes devient alors
beaucoup plus symbolique. La relecture historique de la femme permet à l’écrivain
ou à l’écrivaine d’accompagner à sa façon, à travers son travail, l’évolution
du féminisme[4].
Il s’agit justement de ce qu’ont entrepris Lawrence Hill avec Aminata et Maryse Condé avec Moi, Tituba, sorcière noire de Salem en
écrivant leur ouvrage respectif sur l’histoire d’une femme esclave.
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Aminata de Lawrence Hill |
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Moi, Tituba, sorcière noire de Salem de Maryse Condé |
Le roman historique féministe
La naissance du roman historique, lors de la Révolution
française de 1789, et son évolution sont les conséquences de bouleversements
sociaux[5].
Le roman historique est « une œuvre d’imagination qui fait vivre à des
héros ou des héroïnes des émotions et des péripéties […][et] qui a recours à
l’Histoire »[6]. Il s’agit
d’un art qui entrelace à la fois l’imaginaire et le réel, c’est-à-dire le
réalisme idéologique contemporain et le réalisme historique. Au XXe siècle, à
la suite d’un changement d’idéologie, le roman historique traditionnel, ce
genre hybride qui repose sur des périodes troubles de l’Histoire et qui décrit
l’esprit du temps par l’entremise de personnages inconnus souvent symboles
d’une classe sociale sans moderniser leur psychologie, est remplacé par le
nouveau roman historique qui se révèle être davantage la réécriture de
l’Histoire et parfois même une version contraire à l’officielle. Ce genre, qui
se caractérise entre autres par l’interprétation des événements historiques et
par la description de personnages ayant vécu des événements marquants plutôt
que par la description directe de ces événements, tente de supprimer la
distance historique de façon à ce que le récit se détache du cadre réaliste et,
ainsi, faire réfléchir le lecteur à la fois sur le passé et sur le présent,
entre autres à travers les idéologies contemporaines[7].
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Manifestation du MLF contre la mysoginie le 6 mars 1982 à Paris (lexpress.fr) |
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Adam and Eve Peter Paul Rubens, 1597 Huile sur toile 158 x 180 cm |
La valorisation de figures féminines
Il est fréquent, également, de remarquer la présence de personnages
féminins historiques dans les romans de ce genre auxquels les auteur(e)s ont attribué
des pensées et même des gestes fictifs qui correspondent à l’idéologie
contemporaine.
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Maryse Condé |
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Lawrence Hill |
En outre, les personnages principaux des œuvres de Lawrence Hill
et de Maryse Condé valorisent à leur tour des figures féminines à l’intérieur
même de leur récit respectif.
Dans Moi, Tituba, sorcière
noire de Salem, l’auteure met en scène plusieurs autres personnages
féminins qui suivent Tituba tout au long de son cheminement, dont Man Yaya, une
vieille femme qui la recueille comme une mère et lui enseigne tout son savoir.
Bien qu’elle décède au début du roman, cette dernière demeure au cœur de
l’histoire sous la forme d’un fantôme que Tituba appelle grâce à ses dons
lorsqu’elle a besoin de soutien ou de conseils. En effet, Man Yaya est non
seulement celle qui lui enseigne ses connaissances des plantes et des sorts,
mais elle joue également le rôle d’ange gardien, de protectrice, de présence
féminine. C’est cette image de femme puissante, savante, qui inspire Tituba et
qui lui sert de modèle. Ainsi valorise-t-elle une figure féminine caractérisée
par une force d’esprit et de caractère qui correspond à l’image de la femme que
véhiculent les féministes. De plus, à la suite de son arrestation à Salem,
Tituba rencontre une autre femme, Hester, prisonnière également, accusée d’adultère
et porteuse d’un message engagé à propos de la condition de la femme : « Et
pendant que je croupis ici, celui qui m’a planté cet enfant dans le ventre va
et vient librement[17]. » À
travers son discours cru, Hester dénonce l’inégalité entre les hommes et les
femmes et montre qu’elle ne se soumet pas à la pensée puritaine sexiste. Le
double sens de l’expression « va et vient », qui fait référence à la
fois à la liberté de circuler et au mouvement lors d’une relation sexuelle,
illustre le pouvoir de l’homme à travers ses avantages sociaux et ses abus à
l’égard de la femme, dont les agressions sexuelles. Tituba développe une
relation particulière avec Hester le temps de leur côtoiement en prison. Elle
s’identifie à ses propos et prend elle aussi conscience de la réalité des
femmes. Bien après leur séparation, Tituba repense souvent à cette femme
engagée, fonceuse. De cette façon, elle la valorise, lui rend hommage : « Un
jour, je découvris une orchidée dans la racine mousseuse d’une fougère. Je la baptisai
“Hester”. [18]»
Dans Aminata, Georgia
joue le même rôle que Man Yaya, c’est-à-dire celui d’enseignante et de mère. En
effet, elle transmet son savoir de sage-femme et de guérisseuse à la jeune
Aminata, en plus de tenter par tous les moyens de la protéger des risques et
des mauvais traitements associés à la vie dans la plantation. Il s’agit d’un
personnage fort puisqu’il s’évertue à aider tous ceux qui l’entourent, à
commencer par les femmes de la région qui ont besoin d’être assistées lors de
leur accouchement. C’est une femme que la jeune héroïne valorise à travers une
confiance et un respect sans borne. À son tour, Aminata porte secours à
plusieurs autres femmes. Par exemple, elle aide Dolly, la deuxième domestique
qui partage son quotidien lorsqu’elle est au service des Lindo à Manhattan, à
mettre au monde son enfant. À travers cet entraide féminine, il est possible d’observer
la valorisation et l’admiration mutuelle des femmes.
Ainsi, contrairement à Tituba, Aminata ne valorise pas directement
les femmes qui l’entoure par des mots ou des gestes affectueux, mais plutôt à
travers son aide et son respect.
La valorisation de figures féminines se voit également à travers la
volonté d’engendrer un enfant de sexe féminin. En effet, il est possible pour « les
femmes [de] transmett[re des valeurs créatrices en mettant symboliquement
d’autres femmes au monde, sans le concours des hommes et loin de la lignée du
Père qui efface le nom des femmes[19]. »
Dans le roman de Maryse Condé, lorsque Tituba réalise qu’elle est
enceinte, elle est rapidement convaincue qu’elle donnera naissance à une fille,
sans en avoir la preuve concrète. Cette pensée montre que d’engendrer un enfant
de sexe féminin représente une réussite, une réalisation. Elle peut également illustrer
le fait que la femme est incomprise par l’homme et qu’elle tente de s’en
distancer en partageant son quotidien avec une fille à qui elle peut se confier.
D’autant plus que Tituba ne prend pas la peine d’informer le père de sa
grossesse, convaincue qu’il s’agit du dernier de ses soucis. Pour l’époque,
cette vision est très avant-gardiste puisque, normalement, aucun enfant en dehors
de liens du mariage n’était toléré.
Dans Aminata, un peu à
la manière de Tituba, Sanou, une femme que l’héroïne côtoie après sa capture lors
de sa longue marche vers le négrier, est convaincue que l’enfant qu’elle porte
est une fille :
Je lui demandai si elle allait bientôt avoir son bébé. « Très
bientôt, me dit-elle. Ce n’est pas le bon moment. Je voudrais que le bébé
attende. – Le bébé ne connaît pas nos malheurs, dis-je. Penses-tu que ce sera
un garçon? – Une fille. Elle ne veut pas attendre. – Comment sais-tu que ce
sera une fille? – Seule une petite fille impatiente viendrait au monde à un si
mauvais moment. Seule une fille oserait me défier. Un garçon ne me défierait
pas. Il saurait que je le battrais. […] – Et tu ne battrais pas une fille? –
Une fille c’est trop intelligent. Elle sait comment éviter la fessée[20]. »
À travers ce dialogue, Sanou s’appuie sur l’entêtement et la
détermination de son enfant à naître pour définir son sexe. Lorsqu’elle dit que
seule une fille pourrait la défier, elle fait référence à une force de caractère
qui serait innée et qui ne pourrait correspondre qu’au sexe féminin. Par ses
déductions, Sanou fait transparaître sa valorisation de la femme et sa volonté
d’engendrer une fille. Également, Aminata met elle-même une fille au monde lors
de sa deuxième grossesse et se voit dans l’obligation de s’en occuper seule
puisque le père ne réussit pas à se rendre en Nouvelle-Écosse sain et sauf. Sa
situation rappelle la réalité de plusieurs femmes modernes qui doivent élever
leurs enfants dans la monoparentalité : elles doivent à la fois travailler
pour subvenir à leurs besoins et être présentes à la maison pour s’en occuper. Elle
fait donc également référence à la lutte féministe contre les mauvaises
conditions des femmes qui doivent élever leurs enfants sans l’aide du père.
La maternité est une fonction importante pour la femme esclave
dans les deux œuvres. Elle représente pour les héroïnes un désir de perpétuer
leur lignée personnelle, mais également celle des Noirs, et ce, idéalement en
engendrant une fille, acte contestataire devant un système patriarcal envahissant
et oppressant pour la femme. Il est possible de remarquer à la fois chez Condé
et chez Hill que la femme trouve un sens à sa vie et à sa lutte dans la
procréation. Dans le cas de Moi, Tituba,
sorcière noire de Salem, la peur de voir son enfant souffrir dans le monde
cruel et injuste de l’esclavage pousse Tituba jusqu’à avorter sa grossesse.
Dans celui d’Aminata, l’héroïne n’ose
pas commettre un tel geste, ce qui l’amène à subir le déchirement que lui cause
la séparation forcée avec ses enfants. De plus, Tituba se distingue par le peu
d’importance qu’elle accorde au père de ses enfants, ne le consultant pour
aucune décision et voyant la parentalité comme un aspect qui ne concerne que la
femme. Aminata, au contraire, souffre de l’absence du père de son enfant et lui
accorde une certaine valeur.
Il est possible de remarquer à travers la revalorisation de
figures féminines que, bien que cette démarche entraîne un mouvement positif de
solidarité entre les femmes, elle met en lumière le fait qu’être une femme dans
un système patriarcal représente un désavantage significatif. En effet, à
travers l’Histoire, la condition de la femme se distingue de celle de l’homme. Cette
réalité, dans la majorité des cas négligée par les historiens comme le cas de
Tituba le prouve, incite les auteurs de romans historiques féministes à
revisiter des périodes marquantes de l’Histoire des femmes.
La recherche d’un passé oublié des femmes
L’esclavage au féminin
Les premières traces d’existence de
l’esclavage remontent à il y a quatre millénaires. Cette pratique a été la base
de la structure économique pendant longtemps. Elle atteint son paroxysme
d’abord dans le bassin méditerranéen, dans l’Antiquité, puis sur les rives de
l’Atlantique avec la découverte du Nouveau Monde et la création des plantations
coloniales. Cette pratique a été abolie en plusieurs étapes : les révoltes
échouées, une crise morale au XVIIIe siècle concernant le manque de précision
dans la Genèse (les Noirs sont-ils des animaux ou des humains?) ainsi que
plusieurs traités, actes et conférences ont contribué à une renonciation progressive.
Finalement, la suppression de l’esclavage est réaffirmée par la Déclaration
universelle des droits de l’homme (ONU, 1948)[21].
Au fil du temps, les femmes expérimentent l’esclavage d’une façon très
différente de celle des hommes. Elles devaient subir la violence de leur
capture, en plus de la violence sexuelle à bord des navires. Ensuite, elles
étaient exploitées non seulement pour leurs capacités productives, mais
également pour leurs capacités reproductives, ce qui les amenait à être victimes
d’agressions et de violence sexuelles de la part de leur maître et des hommes
blancs, mais aussi de leurs pairs masculins, les hommes noirs[22].
Dans Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, cette oppression est présente
dans plusieurs passages tels que celui où Tituba explique dans quelles
circonstances elle a été conçue :
Quand découvris-je que ma mère ne m’aimait pas? Peut-être quand j’atteignis
cinq ou six ans. J’avais beau être "mal sortie", c’est-à-dire le
teint à peine rougeâtre et les cheveux carrément crépus, je ne cessais pas de
lui remettre en l’esprit le Blanc qui l’avait possédée sur le pont du Christ
the King au milieu d’un cercle de marins, voyeurs obscènes. Je lui
rappelais à tout instant sa douleur et son humiliation[23].
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Fers esclave (wikipedia.org) |
Dans le cas d’Aminata, il semblerait que Hill ait limité la
souffrance physique et priorisé la souffrance psychologique pour son personnage[24],
ce qui le différencie de Condé. Tout de même, Aminata n’échappe pas pour autant
à la violence. Alors que Georgia part pour aller aider une femme à accoucher,
Appleby, le maître de la plantation, amène la jeune fille dans sa demeure et la
pousse le long du couloir, puis dans une chambre :
« – C’est qui ce garçon qui te court après? – Pas de
garçon, Maître » Il me gifla. « – C’est pas un des miens. C’est qui?
– Pas de garçon, Maître. » Il me bâillonna d’une main, m’immobilisa avec
sa poitrine et commença à déboutonner son pantalon de l’autre main. Il pesait
de tout son poids sur moi. Je sentais sa peau moite, sa sueur. Il puait. « –
C’est qui ton propriétaire? – Maître. – J’ai dit c’est qui ton propriétaire? »
Les poils rêches de sa poitrine me piquaient les seins. Sa barbe de plusieurs
jours m’égratignait le visage. « - Maître, faites pas ça, je vous en prie…
- T’as pas à me dire quoi faire. » Le souffle coupé, je me débattais, mais
j’étais coincée sous son poids. Je pensais à lui mordre l’épaule ou un doigt,
mais je craignais qu’il ne me blesse encore plus. […] Il possédait mon travail
mais, avec son membre tout raide et gonflé, il allait me posséder tout entière.
[…][L]a douleur fut terrible quand il plongea dans un endroit de mon être qui
n’appartenait qu’à moi[25].
Dans ce passage, il est
possible de remarquer que le maître tente de montrer sa supériorité en jouant
sur le sentiment d’humiliation, d’impuissance et d’inconfort qu’amène cette
oppression ainsi que son pouvoir de possession. Hill tente donc de mettre en
lumière la condition de la femme esclave victime de violence autant physique et
sexuelle que psychologique.
Les différents auteurs
sur l’esclavagisme au féminin s’accordent également pour dire que les femmes
étaient exclues des emplois qualifiés à l’exception des emplois de ménagère, de
gouvernante, d’infirmière et de sage-femme, ce qui amenait la plupart d’entre
elles à travailler dans les champs alors que les travailleurs qualifiés avaient
de meilleures conditions. Elles devaient donc effectuer leur travail dans les
plantations, mais également les tâches domestiques pour leur maître et pour les
esclaves masculins lorsqu’elles vivaient en couple[26].
Dans Moi, Tituba, sorcière noire de Salem,
l’héroïne travaille surtout comme sage-femme, comme guérisseuse et comme
domestique. Également, elle partage pour un moment sa vie quotidienne avec un
homme noir, ce qui l’amène à devoir effectuer à la fois les travaux pour son maître et les
tâches ménagères pour son conjoint. Dans Aminata,
l’Africaine expérimente un éventail de métiers allant de l’esclave dans les
plantations d’indigo à la comptable, passant par la sage-femme. Elle connaît
une souffrance plus grande liée à ses conditions de travail, surtout dans les
plantations, que Tituba. Toutefois, contrairement à cette dernière, son
éducation lui permet, lorsqu’elle retrouve sa liberté, de trouver plus
facilement du travail, chez un imprimeur par exemple.
Les auteurs féministes
comme Maryse Condé et Lawrence Hill soulignent aussi la résistance des femmes
esclaves. Afin de démontrer leur refus des humiliations, les femmes esclaves se
caractérisaient par une forte résistance à l’oppression qu’elles manifestaient
de plusieurs façons, autant individuelles que collectives[27].
Cet aspect sera traité un peu plus loin dans ce travail dans la section sur le
militantisme féministe.
Les écrivains qui
traitent de l’esclavage vécu par les femmes s’attardent également sur la
souffrance liée à la procréation. Pour une femme esclave, engendrer un enfant
est une souffrance supplémentaire à sa condition pour plusieurs raisons :
elle doit subir les maltraitances pour son faible rendement lorsqu’elle est
enceinte, elle doit travailler le plus longtemps possible malgré sa condition,
elle doit subir la douleur et les risques de l’accouchement, elle doit élever
son enfant dans un environnement hostile et doit vivre la possible séparation
avec celui-ci[28].
Dans l’œuvre de Maryse
Condé, lorsque Tituba découvre qu’elle est enceinte pour la première fois, elle
décide de mettre fin aux jours de son enfant pour lui éviter la souffrance liée
à la condition d’esclave : « Ce fut un peu après [l’exécution publique de
la femme Glover] que je m’aperçus que je portais un enfant et que je décidai de
le tuer. […] Pour une esclave, la maternité n’est pas un bonheur. Elle revient
à expulser dans un monde de servitude et d’abjection, un petit innocent dont il
lui sera impossible de changer la destinée.[29]»
Condé montre à travers cette décision que Tituba n’a tellement pas le contrôle
de sa vie qu’elle préfère ne pas la partager avec son enfant. De plus, l’auteure
laisse entendre par la métaphore qui compare la mort de l’enfant de Tituba et
celle d’une femme exécutée sur la place publique que la société de l’époque est
la cause du malheur des femmes esclaves :
Je me remis difficilement du meurtre mon enfant. Je savais que j’avais agi
pour le mieux. Pourtant l’image de ce petit visage dont je ne connaîtrai jamais
les contours réels venait me hanter. Par une étrange aberration, il me semblait
que le cri qu’avait poussé la femme Glover en s’engageant dans le corridor de
la mort, venait des entrailles de mon enfant, supplicié par la même société,
condamné par les mêmes juges[30].
De son côté, dans l’œuvre
de Lawrence Hill, Aminata est d’abord témoin de la misère associée à
l’accouchement :
Georgia m’emmenait toutes les fois qu’on lui demandait d’aider à des
accouchements dans la plantation ou dans les îles voisines. Environ un bébé sur
trois mourait à la naissance ou peu de temps après, et un grand nombre de mères
rendaient l’âme elles aussi. J’adorais assister Georgia, mais j’avais du mal à
affronter la maladie et la mort[31].
Dans cet extrait, la
jeune fille prend conscience de la réalité des femmes qui enfantent dans les mauvaises
conditions des plantations. Malgré cela, lorsqu’elle tombe elle-même enceinte,
c’est plutôt la maltraitance de son maître qui rend sa condition difficile. En
effet, au moment où Appleby réalise que la jeune fille porte un enfant et qu’il
n’a pas eu le contrôle sur cet accouplement, il la punit en déchirant ses
vêtements, en les faisant brûler, en rasant ses cheveux et en la menaçant.
Ainsi, parce qu’elle porte un enfant, Aminata subit les agressions de son
maître qui tente de montrer sa domination par l’humiliation. Également, après
avoir accouché, la jeune esclave n’a droit qu’à une semaine de congé et doit
ensuite retourner travailler à la plantation, ce qui appuie le fait que les
femmes devaient souffrir de leur faible rendement et travailler le plus
possible malgré leur santé fragile. Finalement, étant la propriété d’un autre,
Aminata n’a aucun droit sur son enfant de sorte qu’il lui est possible de le
perdre à tout moment. Quelque temps après la naissance de son enfant, elle le
voit effectivement vendu à un autre maître : « Ce bébé ne
t’appartient pas plus que la laine sur ta tête, lança Appleby. Ils sont à moi
tous les deux[32]. » En
comparant l’enfant aux cheveux de sa mère qu’il avait auparavant rasés
publiquement, le maître souligne son pouvoir de possession qui réduit la femme
et son enfant à la même condition qu’un objet. Ainsi, la femme esclave est de
nouveau victime de sa condition qui l’empêche de protéger et de garder près
d’elle son propre enfant.
L’esclavage au féminin
est donc revisité par les auteurs féministes dans le but de montrer que le fait
d’être une femme dans une communauté esclavagiste représentait un désavantage
considérable. Les femmes esclaves n’ont par contre pas été les seules à subir
la domination de leur société patriarcale. Les femmes dites sorcières ont
également été opprimées et ont subi d’horribles traitements sexistes.
Le Procès
des sorcières
À travers la recherche de symboles et de valeurs propres aux femmes dans
l’écriture féministe, la figure polyvalente de la sorcière joue un rôle
important, emblématique. Dans l’imaginaire masculin traditionnel, surtout dans
celui de l’Église, celle-ci est présentée comme une créature hideuse,
terrifiante, qui jette des sorts, pratique des messes noires et fornique avec
le diable[33].
Pourtant, la réalité historique ne concorde pas avec cette image. Les hommes
auraient développé une figure négative de la sorcière en réaction contre
« une autonomisation des femmes à la Rennaissance ou contre le succès des
guérisseuses et des sages-femmes[34] »,
entraînant ainsi la persécution, voire le génocide des femmes dites sorcières.
Celles qui ont été exécutées possédaient souvent, « dans le domaine de la
santé, une sagesse ancestrale fondée sur l’observation, la connaissance des
plantes et l’expérience pratique, à l’époque où les médecins obéissaient encore
à l’ancienne doctrine des humeurs[35] ».
Elles représentent une prise en main par les femmes de leur santé, de leur
corps, ainsi qu’un contrôle sur leur procréation[36].
Dans, Moi, Tituba, sorcière noire
de Salem, cette réalité est fortement représentée. D’abord, Tituba est
témoin de la pendaison d’une femme accusée de sorcellerie à Boston. Au milieu
de la foule excitée et curieuse, la jeune esclave tombe à genoux en hurlant la
souffrance de cette femme qui lui est inconnue. À la suite de cet événement,
elle constate avec étonnement l’attitude de la population :
Toute la ville ne parlait que
de cette exécution. Ceux qui avaient vu, racontaient à ceux qui n’avaient pas
vu comment la femme Glover avait hurlé en voyant la mort, comme un chien hurle
à la lune, comment son âme s’était échappée sous la forme d’une chauve-souris
cependant qu’une purée nauséabonde, preuve de la vilenie de son être,
descendait le long des sarments de ses jambes. Moi, je n’avais rien vu de tel.
J’avais assisté à un spectacle de totale barbarie[37].
Cette scène montre que la jeune esclave noire s’associe à l’accusée et
qu’elle souffre avec elle. De plus, le mépris des autres personnages envers la
victime, qui est ridiculisé par le manque flagrant de preuves d’accusation,
ajoute à la dénonciation de cette pratique sexiste. En ce sens, la
victimisation de la sorcière illustre l’intention féministe de l’auteure qui
tente de revaloriser cette figure à travers la compassion, la souffrance
et la clairvoyance de son personnage principal par rapport à la situation.
Dans le roman, Tituba est ensuite elle-même accusée de sorcellerie et
emprisonnée sous des prétextes superstitieux. Effectivement, c’est à cause des mises
en scène et des accusations de petites filles qu’elle fut arrêtée :
Un soir donc, après le souper, Betsey glissa raide par
terre et resta étendue, les bras en croix, les prunelles révulsées, un rictus
découvrant ses dents de lait. Je me précipitai pour la secourir. À peine mon
bras avait-il effleuré son bras cependant, qu’elle se rétracta et poussa un
hurlement. Je demeurai interdite. […] Je ne pus m’empêcher de revoir
l’expression du regard que m’avait lancé maîtresse Parris. Le mal inconnu qui
frappait Betsey ne pouvait venir que de moi[38].
Dans
cet extrait, l’étonnement de Tituba montre qu’elle est innocente et qu’elle n’a
rien à voir avec les agissements de Betsey. Pourtant, parce qu’elle est
différente et parce que les enfants se méfient de sa personne et de ses dons de
guérisseuse, c’est sur elle que reposent les soupçons. Par cette interprétation
des événements entourant le Procès de Salem qui penche pour l’innocence des
accusées et pour la théorie d’un complot, la relecture de l’auteure se
caractérise par un message féministe. En effet, en montrant que les femmes
accusées de sorcelleries étaient injustement torturées ou exécutées, Maryse
Condé valorise l’image de la sorcière et diabolise les membres de la société
puritaine dans le but de dénoncer la condition générale de la femme dans une
société patriarcale oppressante.
Dans l’œuvre de Hill, la sorcellerie est abordée de façon plus subtile. Le
contexte du Procès de Salem n’étant pas présenté explicitement, plusieurs
femmes révèlent tout de même des caractéristiques associées à la sorcière. En
effet, comme mentionné précédemment, celles qui étaient exécutées, à l’époque,
étaient souvent des sages-femmes ou des guérisseuses qui possédaient des
connaissances ancestrales dans le domaine de la santé fondé sur l’observation,
la transmission du savoir et l’expérience. Au même titre que sa mère et que
Georgia, sa tutrice dans les plantations aux États-Unis, et grâce à leurs
précieux conseils, Aminata développe un savoir sur les plantes médicinales, les
maladies et les secrets du corps qui la rapproche de la figure de la
sorcière : « Maman m’amenait avec elle lorsque les femmes se
trouvaient à leur bâillonnement extrême. Je surveillais ses mains agiles desserrer
les cordons ombilicaux qui encerclaient le cou des bébés. Je la voyais enfoncer
une main à l’intérieur de la femme, l’autre appuyée à l’extérieur de l’utérus,
pour retourner le bébé[39]. »
Cet extrait met en lumière le savoir et les techniques qui sont transmis de
génération en génération par les femmes. Ces connaissances, en médecine surtout,
semblables à celles des sorcières de Salem, illustrent la puissance de la femme
qui tente de reprendre le contrôle de son corps, de sa santé et de sa
fertilité.
En somme, à l’aide de l’image de la sorcière, « [l]es écrivaines
opposent [au stéréotype négatif véhiculé par l’ordre patriarcal] une femme
vivante, admirable, dont la voix singulière et plurielle […] se fait enfin
entendre ».
Le militantisme féministe
Dans la relecture historique féministe visant à redonner
des valeurs contemporaines à un personnage féminin dans un contexte historique
réaliste, les héroïnes deviennent les ambassadrices d’un mouvement de
contestation. En effet, les auteurs tentent non seulement de les revaloriser et
de revisiter leur passé, mais également de représenter à travers elles la
psychologie de la femme moderne. Contrairement à ce que permettaient les
idéologies au temps de l’esclavage et du Procès de Salem, l’arrivée du
féminisme permet à la femme de s’affirmer, ce qui l’amène à refuser l’oppression,
à développer une volonté d’action et à rechercher la maîtrise de son propre
destin. Ainsi est-il possible de trouver une forme de militance dans le roman
historique féministe, entre autres à travers les figures de la femme esclave et
de la sorcière, qui mettent en valeur la lutte contemporaine pour l’égalité des
sexes et des races ainsi que pour la liberté de l’individu.
La femme
revendicatrice
D’abord, les deux romans présentent un personnage
proncipal féminin doté d’une force revendicatrice. Étant associée au contexte
de l’esclavage et de la sorcellerie, cette revendication concerne essentiellement
la liberté physique et intellectuelle de la femme. Cette dernière se voit donc
prête à tout sacrifier pour atteindre son but qui consiste à vivre une existence
libre.
Dans le roman de Maryse Condé, Tituba sacrifie d’abord sa
liberté pour s’adonner à un mariage d’amour. À la suite de cette décision, ses
valeurs évoluent et sa condition d’esclave vient entraver sa poursuite du
bonheur. Lorsqu’elle est achetée par un Juif à la fin du Procès de Salem, elle
cherche par-dessus tout à gagner sa liberté pour retourner à la Barbade et rejoindre
les siens : « – Il y a toujours une ombre au fond de tes yeux,
Tituba. Qu’est-ce que je peux te donner pour que tu sois heureuse? – La liberté[40]! »
L’utilisation de la métaphore « une ombre au fond de tes yeux »
illustre la perte de vitalité qu’engendre une existence de servitude chez
l’héroïne. À travers ce dialogue, Tituba demande concrètement à son maître de
l’affranchir et affirme que ce geste lui permettrait de retrouver sa joie de
vivre. Elle revendique donc son droit à la liberté à travers ses paroles et ses
sentiments.
Dans le livre de Lawrence Hill, Aminata apprend
rapidement, de par ses expériences, la valeur de la liberté. Alors qu’elle
s’est enfin défaite de ses chaînes d’esclave, la jeune femme est réduite à la
pauvreté et à la misère des quartiers défavorisés de la Nouvelle-Écosse. Observant
d’autres Noirs offrir leurs services en échange de meilleures conditions, mais
au prix de leur liberté, elle promet à l’enfant qu’elle porte que rien ne
pourra la mener de nouveau à une existence de servitude : « “Mon
enfant, jamais je ne nous ferai engager, toi et moi, pour survivre. Je gagne
tout juste assez pour assurer notre subsistance. La première chose que tu
apprendras de moi, c’est d’où vient ta maman et à quel peuple tu appartiens. La
deuxième chose que je t’enseignerai, ce sera à lire et à écrire[…]” »[41].
À travers la promesse d’une identité et d’un savoir, l’auteur met en valeur la
liberté que l’héroïne revendique au prix de sa condition. En effet, mener une
existence libre est plus importante pour Aminata que la qualité de son
quotidien. Ce sacrifice illustre sa détermination et ses convictions.
Également, à la fin de sa vie, alors qu’elle vit à Londres
auprès des abolitionnistes, l’Africaine écrit son histoire dans le but de
témoigner contre la traite des esclaves. Ainsi ne se contente-t-elle pas de sa
propre liberté, mais cherche-t-elle à défendre celle des autres membres de sa
communauté. C’est ce qui la différencie de Tituba. Cette dernière se soucie
davantage de son propre avenir et de celui de son enfant. Malgré tout, les deux
femmes observent le même but, celui d’améliorer leur société.
La femme
combative
La femme esclave et sorcière se caractérise
également par sa combativité. En représentant une résistance à l’oppression et
une révolte de la femme dans leurs romans historiques, les auteurs féministes
participent à l’élaboration d’un modèle féminin plus vigoureux et plus
déterminé que celui, par exemple, de l’Église. Cette réalisation devient
d’autant plus symbolique lorsqu’elle s’applique au contexte de l’esclavage où
la femme est physiquement enchaînée.
Au fil du temps, de nombreuses révoltes
d’esclaves ont eu lieu. Elles ont par contre toujours échoué. Les causes de ces
échecs sont diverses : la difficulté d’organiser un soulèvement dans une
structure agricole où la densité géographique est faible, l’infériorité du
commandement et de l’armement des insoumis et le manque de cohésion des
rebelles autour d’un chef et d’un programme politique. Les révoltés se seraient
joints à de tels mouvements plus par colère ou désespoir que dans le but de
reconstruire une société plus humaine à leur égard[42].
Comme mentionné précédemment,
les femmes esclaves expriment leur désir de liberté à travers des gestes de
révolte, souvent plus symboliques qu’efficaces. Les suicides, par exemple
à l’aide de poison, les révoltes, le marronnage[43],
l’infanticide, l’avortement ainsi que les mutilations volontaires sont tous des
exemples de manières trouvées par les femmes esclaves de se rebeller. À titre
d’exemple concret, le 13 septembre 1774, quatorze esclaves embarquées sur le Soleil, un négrier, se sont jetées
ensemble par-dessus bord[44].
Dans l’œuvre de Maryse Condé, Tituba développe un sentiment de révolte qui la
pousse à agir. Étant de retour à la Barbade en femme libre lorsqu’elle tombe
enceinte pour la deuxième fois, Tituba décide de garder l’enfant, mais reste
inquiète quant à la qualité de son avenir. Cette inquiétude l’amène à trouver
la force de se battre pour son peuple : « [M]on enfant me rendit
combative. C’était une fille, j’en étais sûre! Quel avenir connaîtrait-elle?
Celui de mes frères et sœurs esclaves, ravagés par leur condition et leur
labeur? Ou alors un avenir semblable au mien, paria, forcée de se cacher et de
vivre recluse à la lisière d’un grand-fond? Non, si le monde devait recevoir
mon enfant, il fallait qu’il change[45]. »
En effet, ne pensant plus qu’à son seul bonheur, mais également à celui de son
enfant, Tituba trouve la force d’organiser une révolte d’esclaves.
Contrairement à la majorité des esclaves qui se révoltaient normalement par
colère ou par désespoir, l’héroïne de Condé vise plutôt le changement pour une
société plus équitable.
De plus, le personnage
d’Abena, la mère de Tituba, lutte également contre sa condition de femme
esclave par sa résistance à la domination. Au début du roman, lorsqu’elle est agressée
par son maître, Abena exprime sa résistance en hurlant et se débattant, allant
jusqu’à utiliser une arme contre l’homme qui tente de la violer. Par la suite,
cette action lui coûte la vie[46],
ce qui montre que la femme esclave préfère risquer sa vie plutôt que de se
laisser briser, humilier. Étant donné que Tituba éprouve un grand respect pour
sa mère, il est possible d’affirmer qu’elle prend exemple sur cette dernière et
que sa propre vigueur et combativité serait calquées sur son modèle maternel.
Toujours dans
l’œuvre de Maryse Condé, Tituba est influencée par les autres femmes de son
entourage qui tentent par tous les moyens de garder le contrôle de leur corps.
Entre autres, les techniques d’avortement et de stérilisation font partie de sa
réalité :
Pendant toute mon enfance, j’avais vu des esclaves assassiner leurs
nouveaux-nés en plantant une longue épine dans l’œuf encore gélatineux de leur
tête, en sectionnant avec une lame empoisonnée leur ligament ombilical ou
encore, en les abandonnant de nuit dans un lieu parcouru par des esprits
irrités. Pendant toute mon enfance, j’avais entendu des esclaves échanger les
recettes de potions, des lavements, des injections qui stérilisent à jamais les
matrices et les transforment en tombeaux tapissés de suaires écarlates[47].
Par cette énumération
d’action sur le corps de la femme, l’auteure montre la volonté de maîtrise et
un geste de protestation. Ne voulant pas être victimes de leur condition, les
femmes esclaves tentent dans prendre le contrôle, ce qui appuie l’idée de combativité.
Dans l’œuvre de Hill, la
résistance se voit également à travers quelques gestes physiques. À titre
d’exemple, lorsqu’Aminata réalise que son maître lui a enlevé son enfant, elle
exprime sa désapprobation, sa révolte, par des coups : « Je courus
vers Appleby et lui donnai des coups de poing à la poitrine. Je le giflai et le
frappai jusqu’à ce qu’il me jette par terre. “– Ramenez-moi mon bébé!” criai-je. » Cependant,
la plus grande forme de combativité réside davantage dans son attitude, dans
ses paroles. Alors qu’elle est au service de Solomon Lindo à Charles Town, son
maître lui explique qu’il a vérifié ses comptes et qu’elle lui doit deux livres.
Ce à quoi Aminata répond : « Vous me devez beaucoup plus que de
l’argent[48]».
Cette réplique met en lumière la résistance de la jeune domestique par le refus
à l’obéissance. Elle fait aussi comprendre à son maître, par l’insinuation,
qu’elle ne se laisse pas dominer, qu’elle n’est pas d’accord avec sa condition
et qu’elle exige son respect.
En bref, les auteurs
féministes caractérisent leurs personnages féminins par une résistance, une
combativité dans le but de créer un nouveau modèle de femme doté d’un fort
caractère.
Conclusion
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[1] A. Gautier, « David Barry Gaspar et Darlene Clark Hine : More than Chattel. Black Women and Slavery in the Americas », dans Recherches féministes, p. 245-246.
[2] J. Rémillard, La voix historique et féministe dans L’Esclave de Micheline Bail, p. 33-34.
[3] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec » dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 177.
[4] L. Simard, « Les romancières de l’histoire : Le Québec en fiction » dans Recherches féministes, p. 81.
[7] Ibid., p. 28-31.
[8] Ibid., p. 27.
[9] Ibid., p. 78.
[10] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec » dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 166.
[11] Loc. cit.
[12] J. Tamiozzo, « L’altérité et l’identité dans Moi, Tituba, Sorcière… Noire de Salem, de Maryse Condé » dans Recherches féministes, p. 123.
[13] A. Barillari, « Tituba », 2001 dans Salem Witch Trials : Documentary archive and transcription project, [article en ligne], (14 mai 2012).
[14] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 212.
[15] M. Desjardins, « Les chaînes invisibles » dans L’Actualité, p. 75.
[16] L. Hill, Aminata, p. 534.
[17] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 153.
[18] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 241.
[19] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec » dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 182.
[20] L. Hill, Aminata, p. 66.
[21] J-P, Berthe, M. Langellé, C. Nicolet, « Eslcavage », dans Encyclopédie Universalis, [article en ligne], (2 mars 2012).
[22] A. Gautier, « David Barry Gaspar et Darlene Clark Hine : More than Chattel. Black Women and Slavery in the Americas », dans Recherches féministes, p. 242-243.
Gauvin, Gilles, Abécédaire de l’esclavage des noirs, p. 39-40.
[23] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 18.
[25] L. Hill, Aminata, p. 197-198.
[26] A. Gautier, « David Barry Gaspar et Darlene Clark Hine : More than Chattel. Black Women and Slavery in the Americas », dans Recherches féministes, p. 243.
[27] Ibid., p. 244.
[29] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 82-83.
[30] Ibid., p. 86.
[31] L. Hill, Aminata, p. 178.
[32] Ibid., p. 218.
[33] L. Saint-Martin, « Figures de la sorcière dans l’écriture des femmes au Québec », dans Contre-voix : Essais de critique au féminin, p. 166.
[35] Ibid., p. 181.
[37] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 82.
[38] Ibid., p. 112.
[39] L. Hill, Aminata, p. 29.
[40] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 199.
[41] L. Hill, Aminata, p. 382-383.
[42] J-P, Berthe, M. Langellé, C. Nicolet, « Eslcavage », dans Encyclopédie Universalis, [article en ligne], (2 mars 2012).
[43] Action de vivre en étant un esclave fugitif (Antidote 2011).
[45] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 243.
[46] Ibid., p. 20.
[47] M. Condé, Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, p. 83.
[48] L. Hill, Aminata, p. 271.
[49] Dictionary.com, Herstory, [en ligne], (1 juin 2012).
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Condé, Maryse,
Moi, Tituba, sorcière noire de Salem, coll. Folio, No 1929, Paris, Éditions Gallimard, 1988, 288 p.
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